Iceland, a Laboratory of Inclusion: Chronicle of an Erasmus+ Journey into Social Policymaking

Reykjavik, October 2024 – Iceland is not just that volcanic island lost in the North Atlantic. Over the past two decades, it has become a unique social laboratory in Europe: a society that has chosen to make LGBTQ+ inclusion a state policy. Our Erasmus+ group, made up of students and teachers from the “Rainbow Group”, spent a week dissecting this model between Reykjavik and Akureyri.

Author : David Schreiber

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Reykjavik, octobre 2024 – L’Islande n’est pas seulement cette île volcanique perdue
dans l’Atlantique Nord. C’est devenu, en deux décennies, un terrain d’expérimentation
social unique en Europe : celui d’une société qui a choisi de faire de l’inclusion LGBTQ+
une politique d’État. Notre groupe Erasmus+, composé d’élèves et d’accompagnateurs
du Rainbow Group, a passé une semaine à décortiquer ce modèle entre Reykjavik et
Akureyri. Retour sur un voyage qui transforme la théorie en pratique observable.

Reykjavik : quand l’État garantit l’inclusion

Premier arrêt au Ministère des Affaires sociales et de l’Égalité, installé dans un bâtiment
du centre de Reykjavik. Ici, l’égalité n’est pas un département annexe : c’est une
direction à part entière du gouvernement islandais. Les fonctionnaires que nous
rencontrons ne parlent pas d’intentions. Ils parlent de métriques, de législation
contraignante, de budget alloué. L’Islande possède depuis 2008 une loi sur l’égalité de
genre parmi les plus strictes au monde, étendue progressivement aux questions
d’orientation sexuelle et d’identité de genre.

Ce qui frappe davantage, c’est la visite au Centre pour l’égalité (Jafnréttisstofa),
l’organisme public chargé de surveiller l’application des lois anti-discrimination. Leur
programme phare ? La certification Rainbow pour les établissements scolaires. Le
processus ressemble à une accréditation qualité classique, mais appliquée aux
politiques d’inclusion : formation obligatoire des enseignants, protocoles d’intervention
contre le harcèlement, visibilité des ressources LGBTQ+, espaces neutres en termes de
genre. Une école certifiée affiche littéralement son engagement. Dans un pays de 380
000 habitants où tout le monde se connaît, cette visibilité compte.

L’après-midi, nous rejoignons les locaux de Samtökin ‘78, la plus ancienne organisation
LGBTQ+ d’Islande, fondée en 1978 quand l’homosexualité était encore criminalisée.
Leurs archives racontent quarante-cinq ans de combat juridique, de manifestations, de
lobbying parlementaire. Mais aujourd’hui, leur travail a muté. Ils ne militent plus pour
des droits fondamentaux acquis depuis longtemps. Ils gèrent la complexité :
intersectionnalité, personnes trans non-binaires, migrants LGBTQ+, santé mentale.
Notre guide, ancien activiste devenu coordinateur de projets, résume : “Nous avons
gagné la bataille légale. Maintenant commence la bataille culturelle, celle des
mentalités et des micro-agressions quotidiennes. »

La journée se clôt au Fjölbrautaskolinn, lycée public de la ville. Leur Rainbow Group
existe depuis plusieurs années aussi. Mais ce qui différencie l’approche islandaise, c’est
l’institutionnalisation : le groupe dispose d’un budget annuel, d’un local permanent, de
deux conseillers dédiés formés en psychologie et en questions de genre. Les élèves ne
bricolent pas leur soutien entre deux cours. Ils bénéficient d’une infrastructure
professionnelle financée par l’État.

Direction le nord

Akureyri, 20 000 habitants, capitale officieuse du nord islandais.
L’Université d’Akureyri y possède un campus où enseignent plusieurs chercheurs
spécialisés en études de genre. Nous les rencontrons et discutons de leur expérience
en tant que chercheurs et enseignants dans des milieux ruraux, souvent plus
conservateurs que le capitale. Leur constats frappent par leur lucidité : les avancées
juridiques islandaises masquent des réalités géographiques. Vivre ouvertement LGBTQ+
à Reykjavik n’équivaut pas à vivre à Akureyri, encore moins dans les fjords de l’Ouest. La
distance sociale se mesure aussi en kilomètres.

Dans une école primaire publique d’Akureyri, réputée pour son département d’inclusion
des élèves autistes, nous découvrons une approche transversale. L’établissement a
compris que les pédagogies développées pour les élèves neuroatypiques bénéficient à
tous : espaces calmes, communication claire, protocoles explicites. Ces méthodes
servent aussi les élèves LGBTQ+ en questionnement. La directrice explique : “Nous
avons arrêté de penser en silos. Inclusion autisme, inclusion LGBTQ+, inclusion socio
économique : les outils se recoupent. Former les profs à l’une, c’est les former aux
autres.”

Dernière étape au bureau régional du Ministère de l’Égalité à Akureyri. Contrairement à
Reykjavik, ici l’équipe travaille directement avec les municipalités rurales. Leur mission :
traduire les directives nationales en actions locales adaptées. Campagnes dans les
écoles, formations, protocoles pour les services de santé scolaire. L’égalité, nous
explique-t-on, ne se décrète pas. Elle s’organise, se finance, s’évalue. L’Islande a
compris que sans moyens concrets, les beaux discours restent du vent.

Ce que l’Islande nous apprend

Ce voyage laisse une impression paradoxale. D’un côté, l’admiration pour un pays qui a
fait de l’inclusion une infrastructure publique. De l’autre, la conscience que ce modèle
dépend d’un contexte spécifique : petite population, richesse nationale, consensus
politique rare. Peut-on le transposer ailleurs ? Partiellement, sans doute. Mais l’Islande
prouve au moins ceci : l’inclusion LGBTQ+ ne relève pas de la bonne volonté
individuelle. Elle exige des politiques publiques, des budgets, des formations
professionnelles, de l’évaluation continue.

Retour en Belgique avec cette question : combien de nos établissements scolaires
possèdent ne serait-ce qu’un conseiller formé aux questions de genre ? L’Islande n’est
pas une utopie. Ce n’est qu’un pays qui a décidé de mettre ses actes à hauteur de ses
discours. Et ça change tout.

Edited by: David Schreiber

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